La comtesse de Ségur : les petites filles modèles

 

« Mes Petites Filles Modèles ne sont pas une création ; elles existent bien réellement : ce sont des portraits ; la preuve en est de leurs imperfections même. Elles ont des défauts, des ombres légères qui font ressortir le charme du portrait et attestent l’existence du modèle. Camille et Madeleine sont une réalité dont peut s’assurer toute personne qui connaît l’auteur. »



Il est certain que le ton de ce roman est très désuet. Au château de Fleurville, Camille et Madeleine sont des petites filles sages parfaitement bien élevées qui font la joie de leur maman. Arrivent Madame de Rosbourg dont le mari, officier de marine, a disparu en mer et sa fille Marguerite âgée de quatre ans .

La pauvre Sophie orpheline vit avec son affreuse belle-mère Mme Fichini, qui la bat fortement pour un oui ou pour un non.  Heureusement, cette horrible belle-mère a la bonne idée de la laisser à Madame de Fleurville, pour qu'elle s'occupe de son éducation. Les deux mères et les quatre petites filles se retrouvent dans un monde sans homme, essentiellement féminin et très pieux. 

Enfant j'aimais beaucoup le chapitre "la poupée mouillée", le trousseau de la poupée me faisait rêver. Et, pour souligner ce rêve, mon imaginaire,  ma maman me disait que mon arrière-grand-mère était de la même génération que les Petites Filles Modèles. J'ai adoré cette relecture, j'apprécie beaucoup le style de la Comtesse de Ségur pour sa bonté, bienveillant, c'est très agréable à lire. Ses romans sont de formidables documents d'époque concernant la vie des enfants aux XIXème siècles. C'est un bonheur de se replonger dans l'univers de la Comtesse de Ségur et de retrouver Les petites filles modèles. De le lire avec un œil d'adulte surtout !



J'ai remarqué que dans de nombreux romans de la comtesse de Ségur la forêt joue un rôle capital comme dans tous les contes.  C'est dans la forêt qu'elle rencontre Lucie, cette rencontre est pleine d'espoir et de promesse, mais c'est aussi dans la forêt que Sophie et Marguerite se perdent et se trouvent face à face avec les bêtes sauvages comme les sangliers. 




Illustration d'Horace Castelli



Le ton est désuet mais il dégage une fraîcheur, c'est un plaisir de lecture. Le rythme est vif et plein de gaieté.

L'enfant n'a pas la même approche d'un texte qui lui est destiné entre autres ici " les Malheurs de Sophie" qu'un adulte qui a déjà une grille de lecture des références. Pour l'enfant la lecture est la page blanche. " Quelle que soit l'érudition de ses parents, l'enfant est à sa naissance d'une ignorance totale. Son cerveau est une page blanche sur laquelle on peut écrire n'importe quoi ou que l'on peut théoriquement laisser blanche en l'isolant. " dit Michel Tournier




Les Malheurs de Sophie


Sophie est une enfant de quatre ans, fille unique, tout lui est interdit, elle est très souvent punie. C'est le reflet des mœurs du second empire, Les Malheurs de Sophie décrit une société où l'éducation morale des enfants commence dès le plus jeune âge et où chaque incident est propice à une leçon. Cette éducation sévère peut avoir recours aux châtiments corporels. 

" Sans rien dire elle prit Sophie et la fouetta comme elle ne l'avait jamais fouettée. Sophie eut beau crier, demander grâce, elle reçut le fouet de la bonne manière, et il faut avouer qu'elle le méritait." (la boîte à ouvrage) 

Donc sa maman la punit la plupart du temps mais sans vraiment lui expliquer pourquoi elle a fait une bêtise. Le chapitre du thé m'a amusé et il m'a rappelé un souvenir d'enfance avec mon frère puis avec mes cousines l'envie de recevoir de mimer les adultes. Les adultes dans les Malheurs de Sophie représentent l'autorité. La mère de Sophie Madame Renan ne marque pas de tendresse, d'amour envers sa fille. L'on sent une distance, voir une rigidité cela dit c'est là où l'on voit évolution en ce qui concerne les rapports entre les enfants et les parents. Aujourd'hui par exemple, un enfant ne vouvoie pas ses parents. Je trouve horrible le passage d'Elisabeth qui se mutile parce qu'elle a blessé sa bonne.

Pour l'adulte, les parents ici Madame de Rénan, sa fille doit être l'enfant modèle, et éternellement sage et bon surtout. Ce qui fait sourire car, aujourd'hui la plupart des enfants ne tiennent pas en place, ils sont épuisant d'énergie. Ce ne sont pas des petits monstres loin de là tout de même, ils sont comme Sophie, ils ont bon fond tout de même. Il y autre chose qui m'a amusé et qui est bien le signe d'un autre temps, le côté catho, donné aux pauvres, la différence de classe est bien souligné aussi

Sophie comme tous les enfants de son âges aime les animaux, par exemple le passage de la "Tortue". Elle a envie de donner un bain à sa tortue, son geste est innocent, personne ne l'averti que c'est nocif pour sa tortue.

Passage intéressant concernant le rêve "Les fruits confits", Sophie par gourmandise a mangé ou plutôt grignoté tous les fruits confits qui ont été offerts. Elle se rend compte qu'elle a fait une bêtise, et qu'elle se fera gronder, cela la travaille très fort pendant son sommeil. Référence au jardin défendu " Sophie eut une nuit un peu agitée ; elle rêva qu'elle était près d'un jardin dont elle était séparée par une barrière ; ce jardin était rempli de fleurs et de fruits qui semblaient délicieux." Elle voit sa faute, et le péché qu'elle a commis elle en parle à sa mère qui lui dit " Sais-tu ce qu'il peut signifier, Sophie ! C'est que le bon Dieu, qui voit que tu n'es pas sage , te prévient par le moyen de ce rêve que, si tu continues à faire tout ce qui est mal et qui te semble agréable, tu auras des chagrins au lieu d'avoir des plaisirs." Et voilà, une morale remplit de bondieuserie. Voilà nous sommes à des kilomètres du rêve d'Alice de Lewis Carroll !


" Toute son existence - que nous découvrons dans sa correspondance - ressemble à cet écheveau. Nous y lisons une inaltérable naïveté jointe à une lucidité sans faiblesse, une confiance absolue dans la vie, un amour du destin -amor fato-, la conviction enfantine que le mal finit toujours par servir le bien, un courage inépuisable dans les pires épreuves." Michel Tournier



Les Vacances : 


Amusant le côté roman dans le roman.

Un roman d'aventure inséré dans ce roman de vacances au grand air ! Ces vacances en plein air en famille marquent une époque révolue !

Un voyage en mer tourne mal, un naufrage a lieu, M. Lecomte, le commandant de Rosbourg ainsi que Paul se retrouvent sur une île. Bien des années plus tard, c'est au cours d'une promenade que tout ce petit monde se retrouve. Les retrouvailles sont comme souvent chez la Comtesse de Ségur remplis  d'émotions. Le commandant de Rosbourg retrouve sa femme et sa petite Marguerite. Paul est très attaché à ce commandant qu'il considère comme son père. Bref c'est un univers attachant et bon que nous décrit la Comtesse de Ségur. L'écriture est pleine de fraîcheur.


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